Interview de Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée
Carole Delga : « L’innovation touristique doit embarquer tout à la fois les professionnels et les habitants »
La région Occitanie est la 1ère région de séjour de la clientèle française et la 4ème région touristique de France avec 30 millions de touristes par an. Le secteur représente 10, 3 % du PIB régional, 15, 9 Mds € de chiffre d’affaires et plus de 100 000 emplois touristiques. Carole Delga, présidente de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, partage sa vision d’un tourisme innovant, durable et équilibré.
La Région Occitanie organise la 3ème édition du Campus de l’Innovation Touristique. Cette année, il se déroulera dans le nouveau Palais des Congrès du Cap d’Agde les 10 et 11 décembre 2019. Quels en sont les principaux objectifs et temps forts ?
D’abord parlons du lieu : le nouveau palais du congrès du Cap d’Agde fait partie des projets financés par le Plan Littoral 21. Cet aménagement a changé la physionomie de la station. Plus de 300 projets comme celui-ci ont déjà vu le jour sur le littoral d’Occitanie.
Ce campus s’impose comme le rendez-vous incontournable de l’innovation touristique. En 2019, un nouveau concept sur 2 jours proposera notamment des ateliers concrets sur l’innovation au quotidien dans l’entreprise, une vitrine de produits et de solutions innovantes, des interventions de personnalités qualifiées et une soirée dédiée aux investisseurs.
La région Occitanie devient ainsi, au fil du temps, un territoire leader en termes d’accès aux meilleures solutions innovantes pour les professionnels du tourisme.
Comment accompagnez-vous les startups du tourisme ?
Nous mettons en place de nombreuses actions. La Région Occitanie s’est notamment engagée aux côtés de la Métropole de Nîmes pour la création de l’Open Tourisme Lab, un accélérateur de startups innovantes dans l’industrie du tourisme. J’ai souhaité que cet outil soit le plus utile possible pour celles et ceux qui créent le tourisme de demain !
A ce jour, plus de 25 startups ont été accompagnées allant de l’hôtellerie, au marketing, en passant par les agences de voyages en ligne. Parmi elles, Waapi, située à Sussargues, qui propose un outil de relation client pour les hébergements touristiques, Spotyride, à Montpellier, qui est une place de marché pour la réservation d’activités nautiques, ou encore Feel Object, basée à Toulouse, qui développe un plan tactile et interactif permettant aux personnes malvoyantes et non voyantes de se déplacer en autonomie dans des structures touristiques.
Pouvez-vous nous citer une nouveauté en matière d’innovation touristique que vous mettez en place ?
Oui, nous sommes la première Région en Europe à mettre en place un fonds d’intervention touristique, en partenariat avec la Banque Européenne d’Investissement. Doté de 100 millions d’euros, ce fonds dynamisera les investissements touristiques publics et privés durables en Occitanie et générer un effet de levier de 300 à 400 millions d’euros d’ici 2022.
En quoi votre politique des Grands Sites d’Occitanie va créer de l’emploi et améliorer la qualité de vie ?
Nous avons créé la collection de Grands Sites Occitanie / Sud de France. Cette démarche de structuration touristique de destinations d’excellence, accompagnée par une stratégie de promotion et de communication d’envergure, est unique en France. En effet, ce dispositif fait de chaque Grand Site une destination touristique à part entière, basée sur un ou plusieurs cœurs emblématiques, et un territoire d’influence.
Il s’agit d’une politique d’aménagement du territoire et d’économie touristique qui considère que le premier touriste est d’abord l’habitant. Nos objectifs principaux sont de pérenniser et de créer des emplois en stimulant l’activité au sein des territoires, de structurer une offre de qualité et de préserver la qualité de vie des habitants.
Comment appréhendez-vous les phénomènes de tourisme de masse ?
Ce qui se passe aujourd’hui est clair : après 70 ans de démocratisation touristique qui fut, rappelons-le, une avancée majeure du Front Populaire dans ce pays, nous assistons depuis quelques années à un questionnement sur ce que certains nomment « le tourisme de masse ». Je n’aime pas cette expression car elle sous-entend que le tourisme ne serait réservé qu’à une petite élite. La soif de vivre, de découvrir, d’échanger, de connaître d’autres cultures que la sienne est, par nature, émancipatrice.
Nous visons un développement touristique équilibré qui fait des habitants les principaux bénéficiaires des équipements et infrastructures dédiés à l’accueil des touristes. Pour moi, les droits aux loisirs, au voyage sont des droits fondamentaux et ce, quel que soit son niveau social. Je ne crois pas à certaines visions catastrophistes du tourisme, pas plus que je ne crois à l’écologie punitive.
Comment voyez-vous le développement du tourisme en Occitanie ?
Soyons clairs : je ne rêve pas de transformer Toulouse ou Sète en Barcelone ou Venise. Je n’ai pas la volonté de transformer Collioure ou Aigues-Mortes en Benidorm ou Cancun. Je n’ai jamais souhaité que nos magnifiques villages, tels Saint Guilhem le Désert, Conques, Cordes ou Uzès, deviennent des cités vidées de leurs habitants et laissées à la merci des seuls marchands du temple.
Ce que je souhaite, c’est un équilibre entre les intérêts des habitants et les attentes des visiteurs. L’équilibre du développement touristique réside dans la capacité du tourisme à maintenir des commerces et des services dans les zones les plus rurales de notre région. Certains sites touristiques pourraient bénéficier d’une fréquentation touristique plus forte. A Lacaune, à Saint-Jean-du-Gard, à Castillon-en-Couserans, sans doute, aimeraient-ils d’ailleurs avoir 50 % de touristes en plus…
Le développement touristique ne vaut, comme tout développement, que s’il est partagé par tous et qu’il constitue un progrès pour tous.